Sous ce terme générique, "Maquettes de chantier" sont regroupées les maquettes et demi-coques de bateaux mais également les maquettes d’appareils, de machines et d’équipements qui ont trait aux bateaux qu’elles soient maquettes d’armateur, maquettes d’agence, maquettes de constructeur, maquettes d’instruction et aussi maquettes d’arsenal.
Ces maquettes ont toutes pour points communs :
1) D’avoir été réalisées dans une démarche professionnelle afin de montrer et promouvoir, essayer et démontrer, simuler, prototyper, vérifier, valider, persuader, glorifier. Ces maquettes étaient de véritables outils de travail. Elles étaient éléments dans des processus décisionnels où les enjeux pouvaient être commerciaux, industriels, stratégiques et même politiques.
Les maquettes de chantier illustrent au plus près la citation de Napoléon Bonaparte « Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours ».
2) D’avoir été fabriquées par des professionnels. Elles étaient l’œuvre de maîtres charpentiers, d’ouvriers maquettistes attachés aux chantiers, d’artisans maquettistes indépendants, de grands ateliers spécialisés dans la production de maquettes.
Plusieurs véritables corps de métiers pouvaient être nécessaires à l’élaboration de telles maquettes. Généralement fruit d’un travail collectif, chaque intervenant devait avoir un grand talent, identique, par besoin d’unité et dans sa partie, à celui des autres.
Les maquettes d’arsenal et les maquettes d’armateur, jusque dans les années 1970 pour ces dernières, sont, pour la plus part d’entre elles, d’authentiques chefs-d’œuvre d’art industriel.
MAQUETTES - DEMI-COQUES D'ARMATEUR
Maquettes et demi-coques d’armateur sont aussi appelées maquettes et demi-coques de compagnie quand l’armateur est une compagnie de transport maritime.
Pour illustrer ces dénominations, une maquette de remorqueur est appelée maquette d’armateur et ne peut s’appeler maquette de compagnie, alors que la maquette d’un paquebot est indifféremment appelée maquette d’armateur ou maquette de compagnie.
Maquettes et demi-coques de propriétaire est l’appellation requise dès lors où le bateau est un yacht à voile ou à moteur et que l’armateur est une personne naviguant à la course ou à la croisière.
Suivant des clauses contractuelles strictes passées au moment de la commande du bateau, l’armateur pouvait se faire remettre une ou plusieurs maquettes au lancement du bateau. De son côté, le chantier pouvait s’en être allouée une pour l’exposer dans ses salles de réception.
Ces maquettes devaient être la stricte réplique en réduction du bateau fini, c'est-à-dire tel qu’il naviguait.
Lorsque durant sa carrière, le bateau subissait une refonte totale ou de grosses transformations, voir simplement changeait de propriétaire, de nom, de couleurs, il pouvait alors être refabriqué des maquettes du bateau dans sa nouvelle physionomie. Cette pratique fut courante pour les paquebots, dont les représentations, remises aux normes, se devaient d’être attractives.
Ces maquettes, étaient des objets de promotion, pour l’armateur mais aussi pour le chantier naval constructeur du bateau. Positionnées en bonne place dans leurs bureaux, elles leur permettaient à leur simple vue, sans autre discours, d’asseoir leur notoriété et de démontrer leur envergure et leur potentiel tant technique ou commercial, que financier.
Objet promotionnel à l’égard de leurs relations institutionnelles, telles que banquiers, financiers, actionnaires, opérateurs du tourisme et du transport, ces maquettes étaient somptueuses, d’un goût et d’une harmonie les plus sûres. Elles étaient impressionnantes tant par la qualité des matériaux utilisés, (l’accastillage et les équipements métalliques pouvaient être dorés à l’or fin), que par leur grandes dimensions. Certaines maquettes pouvaient mesurer plus de 3 mètres de long. Les vitrines, travail des meilleurs ébénistes, dans lesquelles elles étaient protégées étaient tout aussi raffinées.
Maquettes et demi-coques avaient la même vocation, il était cependant préféré, dans certains cas, les demi-coques aux maquettes et ce pour trois raisons essentielles :
1) Pour des raisons d’encombrement. Les demi-coques se fixaient au mur et sur un même mur, il pouvait être accrochées plusieurs demi-coques alors que les maquettes entières étaient très encombrantes de par leur emprise au sol. Elles nécessitaient de vastes pièces d’exposition d’autant plus vastes qu’il y avait de bateaux à présenter. Ce choix entre maquettes et demi-coques relevait de problèmes d’agencement, et de stratégie commerciale.
2) Pour des raisons financières. Leur fabrication était très onéreuse et le prix d’une demi-coque, pour des raisons évidentes, en comparaison, l’était bien moins que celui d’une maquette entière.
3) Les demi-coques pouvaient être apposées sur un miroir, l’effet ainsi produit donnait l’illusion d’une maquette entière. Pour ce faire, il fallait que l’argenture soit appliquée sur la face avant du verre. Cette technique spéciale permettait alors de ne pas voir en transparence l’épaisseur du verre et de magnifier l’effet recherché. Deux miroirs supplémentaires sur les cotés de la vitrine permettaient, par le jeu de miroir constitué, d’observer les formes avant et arrière des bateaux.
Concernant les maquettes et demi-coques de propriétaire, et plus spécifiquement celles des voiliers, la pratique la plus courante était de ne reproduire que les coques. En effet :
1) Il importait de mettre en exergue l’élégance des carènes aux formes de plus en plus radicales pour l’époque. La coque de leur bateau ainsi représentée contribuait à renforcer la fierté des propriétaires yachtmen. Pour répondre à cette exigence nul n’était besoin de coque entière, une demi-coque suffisait. Les demi-coques de propriétaires devinrent un véritable phénomène de mode, tant il était facile et gratifiant pour un yachtman féru de régates d’exposer sur un mur tous les bateaux qui lui avaient appartenus. Les coupes et trophées n’étaient alors pas très loin exposés. Cet ensemble de demi-coques et de trophées constituaient une sorte de book dont il n’était pas nécessaire de tourner les pages pour connaitre le pédigrée à la course de celui qui les exposait. Pour preuve de succès, les propriétaires pouvaient à la demande des clubs nautiques dont ils étaient membres les leur offrir. Ces demi-coques étaient exposées avec celles des autres voiliers qui s’étaient illustrés. Comble du raffinement, voiliers et propriétaires passaient ainsi à la postérité.
2) Le gréement, s’il était digne d’intérêt, était classique et ne variait que très peu, pour un type de gréement donné, d’un voilier à l’autre. Nul n’était besoin, à l’époque, de le représenter.
3) Les gréements étaient très encombrants et n’apportaient pas grand chose par rapport aux effets escomptés. Il y eut néanmoins, faut-il le rappeler, des maquettes entières de voiliers faites à la demande des propriétaires, et certaines d’entre elles furent même navigantes.
Les compagnies maritimes se devaient de promouvoir les services et prestations qu’elles pouvaient offrir à leur clientèle finale : passagers des traversées et croisières sur paquebots et cargos mixtes. Un de leurs atouts était leur flotte et nul autre moyen n’était plus efficace pour présenter leurs navires que d’en présenter les maquettes.
Cette pratique remontant au milieu du 19ème siècle, les maquettes construites en grand nombre et en série furent de fabrication soignée dans la première époque pour devenir de plus en plus sommaire à partir des années 1960.
Elles étaient généralement de petites tailles pour pouvoir s’intégrer facilement dans l’agencement des bureaux portuaires des compagnies maritimes, mais aussi dans ceux des agences de voyage.
Souvent éclairées de l’intérieur, trônant derrière les devantures, elles attiraient, la nuit venue, le regard des passants qui s’imaginaient déjà, accoudés au bastingage par une douce nuit d’été avec, dans le fond, l’orchestre de swing qui faisait chalouper les passagers en tenue de soirée.
MAQUETTES DE CONSTRUCTEUR
Outre les maquettes et demi-coques d’armateur, dont nous avons parlé ci-dessus, qui constituaient la « vitrine » des chantiers, ceux-ci utilisaient aussi les maquettes et demi-coques à d’autres fins.
Coques et demi-coques d'étude
A l’époque ou plans et dessins n’étaient pas de mise et le savoir-faire empirique, la forme des carènes était déterminée en fabriquant coques et le plus souvent demi-coques. Elles étaient base de discussion entre l’armateur et le chantier. Les pourparlers pouvaient être longs, les uns et les autres caressaient les formes avant et arrière pour vérifier de la bonne circulation des entrées et des sorties d’eau, scrutaient dans toutes les positions ces formes qui sur le comportement d’un bateau étaient déterminantes. Tout dans la conception d’une carène est fait de compromis entre de nombreux paramètres : charge, vitesse, défense à la mer, propension au roulis et au tangage, consommations, efforts, …. Elles étaient refabriquées ou retravaillées sur le vif jusqu’à l’obtention d’un consensus. Celui-ci acquis, elles devenaient alors, en quelque sorte, l’une des bases contractuelles techniques majeures entre les parties.
Ces maquettes et demi-coques d’études étaient soit sculptées dans du massif, soit plus généralement faites de planches éventuellement de différentes essences de bois d’épaisseur calibrée. Elles représentaient alors les différentes lignes d’eau du bateau. Si dans cette dernière technique les planches pouvaient être collées les unes aux autres, elles pouvaient aussi être assemblées par des pinoches. Elles étaient alors démontables et chaque planche à la forme servait ainsi de gabarit. On pouvait alors reporter sur le papier, les coupes horizontales de la carène. Pour ce qui est du report des coupes verticales, compas et piges étaient tout simplement utilisés.
Ces maquettes et demi-coques d’étude constituaient de véritables outils de travail et se présentaient comme tels. Elles étaient de bois brut, ni peintes, ni décorées, elles étaient objet de référence et pouvaient être accrochées dans l’atelier, durant le temps de la construction du bateau et on s’y reportait quand il le fallait. Le bateau terminé, elles pouvaient être montées sur une planche parfois annotée et conservées par le chantier qui pouvait alors faire montre de ses constructions passées.
Demi-coques de traçage des bordés
Propres à la construction des bateaux à coque en acier, sur des demi-coques laquées de blanc, étaient dessinées à l’encre de chine les membrures et tôles de bordé. Chaque dessin de tôle reporté sur un calque permettait de déterminer le développé de la tôle que les chaudronniers devaient approvisionner, découper et former. Ainsi était solutionné cet épineux problème de projection d’une quelconque surface courbe sur un plan horizontal. Les carènes étant symétriques, nul n’était besoin de réaliser le travail sur les deux bords, la réalisation d’une demi-coque suffisait donc.
Coques de bassin des carènes
Afin d’appréhender et de simuler le comportement d’un bateau dans toutes ses conditions de charge et de travail ainsi que dans toutes les conditions de mer, on avait recours à des coques en réduction que l’on déplaçait mécaniquement dans l’eau d’un bassin à la forme d’un long couloir, appelé bassin d’essai des carènes.
Les coques étaient successivement chargées différemment, on reconstituait houles et vagues, toutes les observations étaient consignées. Les décisions s’en suivaient pour accepter ou rejeter le projet et si tel était le cas, les modifications étaient effectuées sur les coques et les essais recommencés.
Le premier bassin d’essai des carènes en France date de 1906 et était situé à Paris.
Afin de tester ce que donneraient sur l’eau de petits canots, quelques chantiers navals avant de se lancer dans la construction de bateau dont ils espéraient faire une série, fabriquèrent des répliques exactes, au quart ou au cinquième, de leur projet.
Tout était fait à l’identique : membrures, bordés, bancs et coffres, safrans, accastillage, gréement. Les bois aussi étaient identiques. Elles leur permettaient de valider l’aspect visuel du projet mais aussi d’évaluer les performances nautiques du bateau. Cette pratique était limitée aux embarcations de petites dimensions. Les conditions d’évolution aérodynamiques et hydrodynamiques du bateau et de sa réduction étant proches, ainsi à faire naviguer le modèle, on pouvait en tirer de riches enseignements et parfaire le projet.
Les élèves des écoles de la marine devaient apprendre les termes et les manœuvres propres aux bateaux et à leur bonne marche.
Sur les grands voiliers, la masse d’informations qus’il leur fallait mémoriser était impressionnante. Ils avaient, bien sûr, des livres et autres traités illustrés de plans et schémas, mais les écoles disposaient aussi en salle de cours de maquettes dites d’instruction pour les aider dans cette démarche. Les maquettes étaient nécessairement de grande taille, afin que la moindre des manœuvres puisse être reproduite.
Elles étaient l’équivalent des cartes et globes pour les cours de géographie et des squelettes pour les cours d’anatomie.
Les maquettes d’arsenal n’étaient ni plus ni moins des et des à trois spécificités près: 1) L’armateur était l’état et ses représentants. 2) Le chantier était un des arsenaux de la Marine d’Etat. 3) Les ateliers de maquettes étaient nécessairement ceux des arsenaux.
Les vaisseaux et autres bâtiments des 18ème et 19ème siècles étaient aussi somptueux que couteux, les maquettes l’étaient, toutes proportions gardées, tout autant.
Durant cette période, elles eurent une particularité qui découlait des spécificités propres aux techniques de construction des bateaux de l’époque. En effet, les pièces de bois en grand nombre, de grande taille et aux formes particulières qu’il fallait pour construire les coques nécessitait d’en faire un inventaire et un relevé très précis et ce pour chacune d’entre elles. C’est ce que permettaient de réaliser les maquettes d’arsenal qui était construites, dans les moindres détails de structure, à l’identique des bâtiments de taille réelle.
Il y avait en effet une réelle difficulté à s’approvisionner en bois et ce pour les pièces maîtresses. Les arbres rares étaient recherchés dans diverses régions de France, abattus, acheminés dans les arsenaux pour y être enfin travaillés. Si ces maquettes étaient splendeurs, elles étaient aussi construites pour répondre à de véritables besoins d’ordre industriel.
Nautical and maritime items : Ship builder’s model, ship builder’s half model, half block, hull
ARTS & MARINE Antiquités - Saint Malo - France
Marine Antiques
Achat - Vente - Expertise
© Tous droits de reproduction interdits
Site conçu et réalisé par GNBP14
Détenteur de copyright inscrit sous le numéro: 00048895